Fantin RICHARD – Interview Passion Supply Chain

Fan­tin RICHARD, Consul­tant Sup­ply Chain chez ALOER, se prête au jeu de l’interview Pas­sion Sup­ply Chain. 

Interview Passion Supply Chain

Photo de Fantin Richard, Consultant ALOER

Fantin, on aimerait en savoir un peu plus sur toi…

Je m’appelle Fan­tin, je suis consul­tant Sup­ply Chain chez ALOER.

J’ai fait mes pre­mières années de car­rière chez Mer­cedes-Benz AG aux Pays-Bas. J’y ai réa­li­sé plu­sieurs pro­jets internes contri­buant à l’amélioration de la per­for­mance du réseau de dis­tri­bu­tion de pièces déta­chées des marques du groupe Daim­ler AG.

J’ai été confron­té à un envi­ron­ne­ment auto­mo­bile en muta­tion. Je fais par­tie de la géné­ra­tion qui a pas­sé presque autant de temps en télé­tra­vail qu’en présentiel 😊

J’ai le pro­fil Archi­tecte (INTJ) au test de per­son­na­li­té Myers Briggs (MBTI©).

J’aime le chan­ge­ment, les méthodes effi­caces pour faire aller plus vite sans pour autant sacri­fier la qualité. 

Je suis un pas­sion­né de mon­tagne et d’aventure. J’ai vécu dans plu­sieurs pays d’Europe.

Mon plat pré­fé­ré ce n’est jamais le même, comme ma rou­tine. J’aime les contacts avec dif­fé­rentes cultures régio­nales et internationales.

Comment as-tu vécu les 1ers mois de confinement en 2020, éloignée physiquement de tes clients et de tes collègues ?

J’ai été confi­né en par­tie à Maas­tricht, petite ville des Pays-Bas. L’administration néer­lan­daise a choi­si très tôt des res­tric­tions bien dif­fé­rentes de la France. Cela a ren­du le confi­ne­ment plu­tôt sup­por­table grâce à la sou­plesse des contraintes sani­taires mais aus­si, à mes amis et collègues.

En atten­dant que « les deux pro­chaines semaines arrêtent d’être cru­ciales » pour vaincre le virus, nous avons bas­cu­lé notre acti­vi­té de par­tiel­le­ment à 100% à dis­tance. Et ce, sans « Kur­zar­beit » c’est à dire sans réduc­tion des heures de tra­vail et des salaires.

Le contexte a très vite ren­for­cé la soli­da­ri­té dans l’équipe. Ce lien fort a per­du­ré pen­dant les 2 années suivantes.

Ce qui a le plus chan­gé, c’est de ne pas pou­voir ren­con­trer mes clients internes à cause de l’arrêt des dépla­ce­ments pro­fes­sion­nels. Il y a un cer­tain nombre de col­lègues et de clients que je n’ai jamais ren­con­trés phy­si­que­ment : futu­riste non ?

Néan­moins, pas­sé le temps des visio­con­fé­rences mi-che­mise mi-jog­ging, les per­for­mances n’ont jamais décrues et nous avons réus­si à réa­li­ser avec suc­cès les pro­jets en cours. Nous avons éga­le­ment réus­si à main­te­nir la crois­sance de notre équipe de consul­tants pro­jets interne pen­dant cette période.

Comment analyses-tu l’activité Supply Chain depuis l’épidémie covid et la guerre ?

D’un point de vue macro, les inter­dé­pen­dances com­mer­ciales boos­tées par la mon­dia­li­sa­tion et la géo­po­li­tique com­plexi­fient les chaînes d’approvisionnements.

Méca­ni­que­ment, cela rend néces­saire une bonne ges­tion de la Sup­ply Chain. Elle doit per­mettre la flui­di­fi­ca­tion des échanges, la conduite d’améliorations et l’anticipation des situa­tions futures. Le tout, dans une recherche d’optimisation des coûts et du meilleur ser­vice client.

À mon avis, la dis­ci­pline Sup­ply Chain sou­te­nue par les déve­lop­pe­ments du digi­tal est aujourd’hui en recherche de sens. Elle se trouve per­tur­bée par de nom­breux évé­ne­ments qui « forcent » une approche cura­tive plu­tôt que préventive.

D’un point de vue micro, la Sup­ply Chain est une dis­ci­pline hau­te­ment stra­té­gique pour toute entre­prise car elle per­met de péren­ni­ser son acti­vi­té. Elle est vec­teur de col­la­bo­ra­tion, com­mu­ni­ca­tion et d’intégration entre les ser­vices et les acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

Encore par­fois mal com­prise ou mal pra­ti­quée, la Sup­ply Chain gagne à être consi­dé­rée comme une dis­ci­pline essen­tielle à la direc­tion des entre­prises. Elle per­met la coor­di­na­tion inter­fonc­tion­nelle auprès des fonc­tions clas­siques des entre­prises et la coor­di­na­tion inter-orga­ni­sa­tion­nelle tout au long de la chaîne.

La stra­té­gie Sup­ply Chain, ça se pré­pare. Et l’art de la Sup­ply Chain doit constam­ment se réin­ven­ter en visant un idéal pla­ni­fié à l’échelle macro, sou­te­nu par la pra­tique à l’échelle micro.

Tu as récemment évoqué l’importance de la bonne gestion de projet… : peux-tu nous partager quelques pistes ?

Les pro­jets pour les­quels j’ai tra­vaillé ont tous eu des résul­tats posi­tifs mesurés.

Pour­tant, mes col­lègues et moi, on en avait long à dire sur les pro­blèmes de ges­tion, d’organisation, d’implications des membres dans les projets.

Cepen­dant, depuis mon retour en France, j’entends trop peu que les pro­jets sont une réus­site à leur lan­ce­ment et dans les délais impar­tis. Ce constat est appuyé par mes recherches. L’une d’elle du cabi­net Gal­lup indique que seule­ment 2,5 % des entre­prises condui­sant des pro­jets IT réus­sissent leurs projets.

Les causes racines expo­sées sont :

  • la tech­nique (tech­no­lo­gie déve­lop­pée, tech­niques de ges­tion de projet)
  • les indi­vi­dus (lea­der­ship pro­jet, péri­mètre et communication)
  • les par­ties pre­nantes (impli­ca­tions des uti­li­sa­teurs, adhé­rence de la direc­tion, pré­ci­sion des objectifs)

Au-delà des chiffres, il doit bien y avoir un inter­mé­diaire. Mais com­ment arrange-t-on le taux de réussite ?

Un pro­jet réus­si ne tient pas seule­ment aux pro­ces­sus, pro­cé­dures, règles, aux méthodes de ges­tion ni aux sys­tèmes de contrôle qui aident à décou­per l’éléphant en plu­sieurs parties.

Les pro­jets réus­sis selon moi sont ceux où l’on col­la­bore, où l’on com­mu­nique constam­ment en visant l’objectif clair fixé sans se com­plaire dans l’application des pro­cé­dures en place, néces­saires au suc­cès du projet.

Ces élé­ments dif­fi­ci­le­ment mesu­rables, chif­frables, sont pour­tant essen­tiels. Ne pas les mettre en place peut coû­ter l’échec à 100% du projet.

Alors, quand il vous est dit que 30% du temps pro­jet doit être dédié à la ges­tion de pro­jet, il est temps de peser dans la balance ce qui a le plus de valeur ajoutée.

Pour­tant, les fran­çais sont répu­tés pour leurs com­pé­tences à l’étranger. Il y a donc la com­pé­tence sur le ter­ri­toire pour faire mieux !

Quelques clefs sup­plé­men­taires en anglais ici

Fantin, quel métier te faisait rêver lorsque tu étais enfant ?

Petit, j’étais fas­ci­né par l’ambiance tami­sée typique des biblio­thèques et de cer­tains hôtels… Ce qui n’a sus­ci­té de voca­tion particulière.

J’ai tou­jours été du côté de ceux qui savent ce qu’ils ne veulent pas faire, sans savoir ce qu’ils veulent pré­ci­sé­ment faire.

Ce qui me reste tout de même de l’enfance, c’est la curio­si­té de décou­vrir l’envers du décor. C’est en par­faite adé­qua­tion avec mon poste actuel car je suis ame­né à voir et à décou­vrir la réa­li­té phy­sique indus­trielle d’entreprises de divers secteurs.

Parle-nous de ton parcours et de tes expériences professionnelles ?

Je fais mon par­cours sco­laire à Lyon et un bac­ca­lau­réat éco­no­mie et sociale. Puis, je m’oriente vers un cur­sus uni­ver­si­taire en com­merce inter­na­tio­nal avec une spé­cia­li­sa­tion de mas­ter en Sup­ply Chain Management.

Qui dit Sup­ply Chain « aca­dé­mique » dit auto­mo­bile. Je passe donc quelques mois au sein du ser­vice logis­tique et ingé­nie­rie. J’y suis res­pon­sable des flux just-in-time tac­tiques et opé­ra­tion­nels de Plas­tic Omnium à Redon­de­la, en Galice.

J’en­chaîne avec une année en double diplôme à Not­tin­gham, Angleterre.

Plus tard, je m’intéresse à mieux com­prendre l’envergure de la Sup­ply Chain dans son ensemble. Je rejoins ALOER pour mon stage de fin d’études.

Fas­ci­né par l’étranger, je choi­sis l’expatriation aux Pays-Bas chez Mer­cedes-Benz. Je baigne pen­dant 5 années dans des bureaux où se côtoient 30+ natio­na­li­tés dif­fé­rentes. Et ce, dans une région où les fron­tières des pays voi­sins sont à seule­ment quelques kilomètres.

Quel a été le déclic ou l’expérience qui t’a amené à t’intéresser à la Supply Chain ?

Mon inté­rêt pour la Sup­ply Chain n’a pas été une révé­la­tion sou­daine, mais pro­gres­sive. Je me sou­viens que dès la 1ère année de mes études, je m’intéresse à la logis­tique et rapi­de­ment à la Sup­ply Chain.

Mon pre­mier jour à l’université anglaise, mon tuteur annonce que nos métiers de demain n’existent pas encore. C’est pour­quoi, nous devrions apprendre conti­nuel­le­ment pen­dant nos vies pro­fes­sion­nelles. Cette approche m’a mar­qué. Ce n’était pas du tout un mes­sage trans­mis en France, alors.

La Sup­ply Chain est pour moi un métier intem­po­rel qui se renou­vel­le­ra sans cesse. Au sein de cette dis­ci­pline, je peux gran­dir en connais­sances et com­pé­tences tout en étant acteur de la Sup­ply Chain de demain. C’est une grande source de moti­va­tion personnelle.

Ton plus gros challenge ?

J’en cite­rai deux. Le der­nier et pre­mier pro­jet chez Mer­cedes- Benz.

En pre­mier et sans hési­ta­tions, l’année que j’ai pas­sée au sein du Pro­ject Mana­ge­ment Office où j’é­tais un des coor­di­na­teur du spin off des enti­tés légales de Daim­ler Group pour la divi­sion Glo­bal Ser­vice & Parts.

Ce pro­jet au délai très ambi­tieux (moi­tié moins que recom­man­dé par KPMG à l’époque) et au large péri­mètre : 50+ loca­li­sa­tions en propre dont la pla­te­forme logis­tique alle­mande (1,2 mil­lions de m2 comp­tant 500k+ réfé­rences en stock) fai­sait suite à un pro­jet de restruc­tu­ra­tion mené en 2019, auquel nous avions éga­le­ment participé. 

Ajou­té à cela, le pro­jet se déroule majo­ri­tai­re­ment en alle­mand. Ce qui en fait ma qua­trième langue, apprise en paral­lèle de mes fonc­tions chez Mer­cedes-Benz. Le tout depuis mon fau­teuil de télétravail.

Mon deuxième chal­lenge a été de faire par­tie des 10 pre­miers employés d’un dépar­te­ment qui, 5 ans plus tard, en comp­te­rait 100+.

Cette crois­sance ful­gu­rante, fruit d’une déci­sion de near­sho­ring depuis l’Allemagne vers les Pays-Bas a entraî­né de nom­breuses muta­tions au fil des années. Elle a néces­si­té  une constante remise en cause des méthodes de tra­vail et un accom­pa­gne­ment au chan­ge­ment à la fois côté alle­mand et néerlandais.

Les trans­ferts de com­pé­tences, la créa­tion et l’amélioration de pro­ces­sus, les négo­cia­tions internes, voi­là un contexte par­fait pour pra­ti­quer la conduite du changement !

Quel est ton meilleur souvenir ?

Impos­sible de défi­nir lequel est meilleur que les autres, ques­tion suivante ?

Quelles sont les qualités essentielles pour exercer ton métier ?

J’aurais ten­dance à mettre en avant les­dites « soft skills » plus que « hard skills ».

Selon moi, la mon­tée en com­pé­tences « hard skills » est faci­li­tée compte tenu de l’accès à l’information (quand on sait l’utiliser et apprendre à par­tir des bonnes sources). -

Côté « softs skills » donc, les essen­tielles à mon sens sont :

  • la capa­ci­té d’analyse et la vision glo­bale à la française,
  • la rigueur et la dis­ci­pline à l’allemande,
  • l’ouverture d’esprit et un bon rela­tion­nel à l’espagnol,
  • la capa­ci­té « to cut deals » à l’anglaise,
  • l’organisation et le sens de l’innovation contraint (contraint par l’espace, les dif­fi­cul­tés du ter­rain, la culture…) à la néerlandaise. 

« Wie viele Spra­chen du sprichst, sooft mal bist du Mensch. » (J.W. Goethe)

(J.W. Goethe)

Si tu pouvais décrire ton métier en une image ?  

Dans un envi­ron­ne­ment incer­tain, mou­vant, la meilleure assu­rance c’est les autres.

cordée d'alpinistes illustrant la supply chain

En mon­tagne, on avance aus­si vite que le plus lent de la cor­dée. Les com­pé­tences de cha­cun par­ti­cipent au suc­cès de l’ascension.

En Sup­ply Chain comme en mon­tagne, il faut pla­ni­fier, anti­ci­per, voir au loin, sur­veiller la météo et les poten­tiels impré­vus, repé­rer l’itinéraire. Connaître les forces et les fai­blesses, le rythme et les capa­ci­tés des autres per­sonnes du groupe, avoir les bonnes com­pé­tences et les bons outils logi­ciels sont des indispensables.

Quelles sont les difficultés liées à la nature de ton métier ?

L’image du conseil et des consul­tants est plu­tôt contro­ver­sée. Notam­ment, car ce sont des mul­ti­na­tio­nales du conseil dont on entend le plus parler.

Cepen­dant, le consul­tant n’est pas là « pour emprun­ter votre montre et vous don­ner l’heure qu’il est » ! Il se doit d’ap­por­ter des avis cir­cons­tan­ciés, pré­cis, rela­tifs à l’activité de l’entreprise cliente. D’ailleurs, il com­mence avant tout par étu­dier l’entreprise qui le consulte ain­si que le son marché.

L’expertise du consul­tant repose sur son cabi­net. Ce der­nier conso­lide les expé­riences et les exper­tises de ses col­la­bo­ra­teurs pour four­nir les solu­tions les plus adap­tées aux clients. La varié­té de ces « exp » ras­sem­blées font la force d’un cabi­net et de ses consultants.

Le consul­tant est utile car il apporte tout d’abord un regard exté­rieur. Il a une lec­ture plus neutre que les membres de l’entreprise. Ces der­niers ont, de par les habi­tudes et les biais de culture, acquis une dif­fi­cul­té d’identification per­ti­nente des risques, par exemple. Son recul, et bien sûr sa métho­do­lo­gie et ses connais­sances sont clefs.

J’ai encore peu de che­veux blancs et je n’apporte pas de « remède miracle » à mes clients. Je par­ti­cipe à construire une rela­tion de confiance durable, à four­nir une ana­lyse per­ti­nente de leur Sup­ply Chain, adap­tée à leur contexte et robuste sur le long terme. 

Les enjeux de la Supply Chain sont passionnants. Si tu devais convaincre des étudiants de s’intéresser aux métiers de la Supply Chain : que leurs dirais-tu ?

La Sup­ply Chain, c’est un métier qui a de l’avenir. Il se pra­tique dans tous les sec­teurs à tra­vers le monde. Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre et ce,  peu importe vos expé­riences. C’est un métier qui demande de la curio­si­té, de la rigueur mais aus­si, de la créativité.

« La Sup­ply Chain de demain est à construire, lancez-vous ! »

Mer­ci d’avoir par­ti­ci­pé à l’interview Pas­sion Sup­ply Chain Fan­tin !